Page:Kipling - Le Livre de la jungle, illustré par de Becque.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tout ce jour-là, Mowgli resta assis dans la caverne, veillant sur son pot de braise et y enfonçant des branches sèches pour voir comment elles brûlaient. Il chercha et trouva une branche qui lui parut à souhait, et, le soir, quand Tabaqui vint à la caverne lui dire assez insolemment qu’on le mandait au Rocher du Conseil, il se mit à rire jusqu’à ce que Tabaqui s’enfuît. Et Mowgli se rendit au Conseil, toujours riant.

Akela le Solitaire se tenait couché à côté de sa pierre pour montrer que sa succession était ouverte, et Shere Khan, avec sa suite de loups nourris de restes, se promenait de long en large, objet de visibles flatteries. Bagheera vautrait son corps souple aux côtés de Mowgli, et l’enfant serrait le pot de braise entre ses genoux. Lorsqu’ils furent tous rassemblés, Shere Khan prit la parole — ce qu’il n’aurait jamais osé faire aux beaux jours d’Akela.

— Il n’a pas le droit, murmura Bagheera. Dis-le. C’est un fils de chien. Il aura peur.

Mowgli sauta sur ses pieds.

— Peuple Libre, s’écria-t-il, Shere Khan est-il donc notre chef ? — Qu’est-ce qu’un tigre peut avoir à faire avec la direction du Clan ?

— À cause de la succession ouverte, et comme on m’avait prié de parler, — commença Shere Khan.

— Qui t’en avait prié ? fit Mowgli. Sommes-nous tous des chacals pour flagorner ce boucher ? La direction du Clan regarde le Clan seul.

Il y eut des hurlements :

— Silence, toi, petit d’homme !