Page:Kipling - Le Livre de la jungle, illustré par de Becque.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Tabaqui, le chacal, doit avoir mordu tous ces gens, songeait-il, et maintenant ils ont la rage. Certainement, c’est la dewanee, la folie. Ne dorment-ils donc jamais ? Tiens, voici un nuage sur cette lune de malheur. Si c’était seulement un nuage assez gros pour que je puisse tenter de fuir dans l’obscurité. Mais je suis si las !

Deux fidèles guettaient le même nuage du fond du fossé en ruine, au bas du mur de la ville ; car Bagheera et Kaa, sachant bien le danger que présentait le Peuple Singe en masse, ne voulaient pas courir de risques inutiles. Les singes ne luttent jamais à moins d’être cent contre un, et peu d’habitants de la jungle tiennent à jouer semblable partie.

— Je vais gravir le mur de l’ouest, murmura Kaa, et fondre sur eux brusquement à la faveur du sol en pente. Ils ne se jetteront pas sur mon dos, à moi, malgré leur nombre, mais — —

— Je le sais, dit Bagheera. Que Baloo n’est-il ici ! Mais il faut faire ce qu’on peut. Quand ce nuage va couvrir la lune, j’irai vers la terrasse. Ils tiennent là une sorte de conseil au sujet de l’enfant.

— Bonne chasse, dit Kaa d’un air sombre.

Et il glissa vers le mur de l’ouest. C’était le moins en ruine, et le gros serpent perdit quelque temps à trouver un chemin pour atteindre le haut des pierres. Le nuage cachait la lune, et comme Mowgli se demandait ce qui allait survenir, il entendit le pas léger de Bagheera sur la terrasse. La Panthère Noire avait gravi le talus presque sans bruit, et, sachant qu’il ne fallait pas perdre son temps à mordre,