Page:Kipling - Le Livre de la jungle, trad. Fabulet et Humières.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les lèvres. Qu’ils sont beaux, les nobles enfants ! Quels grands yeux ! Et si jeunes, pourtant ! Je devrais me rappeler, en effet, que les enfants des rois sont hommes dès le berceau.

Or, Tabaqui le savait aussi bien que personne, il n’y a rien de plus malencontreux que de louer des enfants à leur nez ; il prit plaisir à voir que Mère et Père Loup semblaient gênés.

Tabaqui resta un moment, en repos, en se réjouissant du mal qu’il venait de faire ; puis il reprit malignement :

— Shere Khan, le Grand, a changé de terrain de chasse. Il va chasser sur ces collines, à la prochaine lune, m’a-t-il dit.

Shere Khan était le tigre qui habitait près de la rivière, la Waingunga, à vingt milles plus loin.

— Il n’en a pas le droit, commença Père Loup avec colère. De par la Loi de la Jungle, il n’a pas le droit de changer ses quartiers sans dûment avertir. Il effraiera tout le gibier à dix milles à la ronde, et moi… moi j’ai à tuer pour deux ces temps-ci.

— Sa mère ne l’a pas appelé Lungri (le Boiteux) pour rien, dit Mère Louve tranquillement : il est boiteux d’un pied depuis sa naissance ; c’est pourquoi il n’a jamais pu tuer que des bestiaux. À présent,