Page:Kipling - Le Livre de la jungle, trad. Fabulet et Humières.djvu/67

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bondissait le long du tronc, tous ses crocs à nu. Les Bandar-Log hurlaient de triomphe et luttaient à qui atteindrait le plus vite les branches supérieures où Bagheera n’oserait les suivre, criant :

— Elle nous a remarqués ! Bagheera nous a remarqués ! Tout le peuple de la jungle nous admire pour notre adresse et notre ruse !

Alors, ils commencèrent leur fuite, et la fuite du Peuple Singe au travers de la patrie des arbres est une chose que personne ne décrira jamais. Ils y ont leurs routes régulières et leurs chemins de traverse, des côtes et des descentes tous tracés à cinquante ou soixante et cent pieds au-dessus du sol, et par lesquelles ils voyagent, même la nuit s’il est nécessaire. Deux des singes les plus forts avaient saisi Mowgli sous les bras, et volaient à travers les cimes des arbres par bonds de vingt pieds à la fois. Eussent-ils été seuls qu’ils auraient avancé deux fois plus vite, mais le poids de l’enfant les retardait. Tout mal à l’aise et pris de vertige qu’il se sentît, Mowgli ne pouvait s’empêcher de jouir de cette course furieuse ; mais il était effrayé d’apercevoir par éclairs le sol si loin au-dessous de lui ; et les terribles chocs et les secousses, au bout de chaque saut qui le balançait à travers le vide, lui