Page:Kipling - Le Livre de la jungle, trad. Fabulet et Humières.djvu/95

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dans la jungle, car aucun d’eux ne savait où s’arrêtait son pouvoir, aucun d’eux ne pouvait le regarder en face, et aucun d’eux n’était jamais sorti vivant de son étreinte.

Aussi fuyaient-ils, en bégayant de terreur, sur les murs et les toits des maisons, tandis que Baloo poussait un profond soupir de soulagement. Quoique sa fourrure fût beaucoup plus épaisse que celle de Bagheera, il avait cruellement souffert de la lutte. Alors, Kaa ouvrit la bouche pour la première fois : un long mot siffla, et les singes qui, au loin, se pressaient de venir à la défense des Grottes Froides, s’arrêtèrent où ils étaient, cloués par l’épouvante, tandis que les branches qu’ils chargeaient pliaient et craquaient sous leur poids. Les singes, sur les murs et les maisons vides, turent subitement leurs cris, et, dans le silence qui tomba sur la cité, Mowgli entendit Bagheera secouer ses flancs humides en sortant du réservoir. Puis, la clameur recommença. Les singes bondirent plus haut sur les murs ; ils se cramponnèrent aux cous des grandes idoles de pierre, et poussèrent des cris perçants en sautillant le long des créneaux, tandis que Mowgli, qui dansait de joie dans le pavillon, collait son œil aux jours du marbre et huait à la