velles querelles. Le Mugger le sait. Oh ! oh ! le Mugger le sait. Aussitôt l’eau bue par le sol, il gagne en rampant les petites criques où les hommes pensent qu’un chien ne pourrait se cacher, et, là, il attend. Bientôt arrive un fermier : il plantera ici des concombres, dit-il, et là des melons, sur la nouvelle terre que la rivière lui a donnée. Du bout de son orteil il tâte la bonne vase. Puis, en voici venir un autre disant qu’il mettra des oignons, des carottes, des cannes à sucre à telle et telle place. Ils s’abordent comme des bateaux en dérive, et s’entre-regardent en roulant les yeux sous leur gros turban bleu. Le vieux Mugger voit et entend. Chacun appelle l’autre « frère », et ils s’en vont poser les limites du nouveau domaine. Le Mugger se hâte à leur suite, d’un point du champ à l’autre, en s’aplatissant le plus possible à travers la vase. Puis, voici qu’ils commencent à se quereller !… Ils enlèvent leurs turbans !… Ils lèvent leurs lathis (massues), et, à la fin, l’un d’eux tombe les quatre fers en l’air dans la vase, tandis que l’autre s’enfuit. Lorsqu’il revient, la querelle est vidée, comme en témoigne le bambou ferré du perdant, resté sur place. Et pourtant, ils n’ont aucune reconnaissance pour le Mugger.
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Apparence