tre milles de profondeur, et de grandes mottes de glace, de dix pieds d’épaisseur et de quelques mètres à vingt acres carrés, cahotaient, plongeaient, écumaient l’une contre l’autre et contre la banquise encore intacte, tandis que la lourde houle entrait, poussait et fusait dans leurs intervalles. Ces béliers de glaçons formaient, pour ainsi dire, la première armée que la mer lançait à l’assaut de la banquise. Le fracas et les chocs incessants de ces gâteaux de glace couvraient presque les grincements des feuillets de glace brute glissés tout d’une pièce sous la banquise, comme des cartes poussées brusquement sous un tapis de table. En eau peu profonde ces feuillets s’empilaient l’un par-dessus l’autre jusqu’à ce que celui du fond touchât la vase à cinquante pieds de profondeur ; et les lames décolorées assaillaient la glace bourbeuse jusqu’à ce que la pression croissante finît par entraîner de nouveau tout en avant. En plus de la banquise et de la glace en paquets, la tempête et les courants amenaient de véritables icebergs, des montagnes de glace flottantes, arrachées aux côtes groenlandaises ou au rivage septentrional de la baie de Melville. Elles avançaient solennellement, broyant tout sur leur passage, parmi l’écume blan-
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