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la course de printemps

j’ai dispersé le conseil avec la Fleur Rouge… depuis que j’ai tué Shere Khan, personne, dans le Clan, n’avait osé me jeter de côté. Et ceux-ci ne sont que des loups de dernier rang, de petits chasseurs. Ma force s’en est allée, et je vais mourir. Oh ! Mowgli, pourquoi ne les as-tu pas tués tous deux ?

La lutte continua jusqu’à ce que l’un des loups s’enfuît, et Mowgli demeurait assis tout seul sur l’herbe foulée et sanglante, promenant ses regards de son couteau à ses jambes, et de ses jambes à ses bras, tandis que cette sensation de misère, jusqu’alors inconnue, l’inondait comme l’eau couvre un tronc d’arbre flottant.


Il tua de bonne heure, ce soir-là, et mangea peu, afin d’être bien en point pour sa course de printemps ; et il mangea seul, car tout le Peuple de la Jungle était au loin, à chanter et se battre. C’était une de ces admirables nuits blanches, comme ils les appellent. Toutes les verdures semblaient avoir pris un mois de croissance depuis le matin. Telle branche, qui portait des feuilles jaunes le jour précédent, laissait couler la sève quand Mowgli la cassait. Les mousses, épaisses et chaudes, frisaient sous ses pieds ; l’herbe jeune ne coupait pas encore ;