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le second livre de la jungle

rêve incolore d’une nuit. Il était maintenant un Sunnyasi — un mendiant errant, sans abri, à la merci des autres pour le pain de chaque jour ; et, tant qu’il y a un morceau à partager dans l’Inde, ni prêtre ni mendiant ne souffre de la faim. Il n’avait jamais de sa vie goûté de viande, et même très rarement de poisson. Une bank-note de cinq livres aurait couvert la dépense personnelle de sa table pendant n’importe laquelle des années où il disposait en maître absolu de millions d’argent. Même à Londres, au plus fort de l’engouement du monde, il n’avait pas un instant perdu de vue son rêve de paix et de tranquillité — la longue route indienne, blanche et poudreuse, toute marquée de pieds nus, l’incessant trafic sans hâte, et l’âpre odeur des feux de bois dont la fumée monte en volutes sous figuiers, au crépuscule, et près desquels les voyageurs s’asseyent à leur repas du soir.

L’heure venue de réaliser ce rêve, le Premier Ministre fit le nécessaire, et, trois jours après, il eut été plus aisé de retrouver une bulle parmi les longues vagues de l’Atlantique, que Purun Dass parmi les millions de vagabonds qui s’assemblent ou se séparent à travers les plaines de l’Hindoustan.

Le soir, il étendait sa peau d’antilope à l’endroit