Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/178

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Cette nuit-là, sans désemparer, je m’en allai à Ghor et demandai des nouvelles de Daoud Shah. On me dit :

— Il est parti à Pubbi acheter des chevaux. Que lui veux-tu ? Il y a la paix entre les villages.

Je répondis :

— Oui ! La paix de la trahison et l’amour que le démon Atala portait à Gurel.

Ainsi donc je fis feu par trois fois dans la porte et avec un rire je passai mon chemin.

En ces heures-là, frère et ami du cœur de mon cœur, la lune et les étoiles étaient sanglantes au-dessus de moi, et j’avais dans ma bouche le goût de la terre sèche. De plus, je ne rompis pas le pain, et ma seule boisson fut la pluie de la vallée de Ghor sur ma face.

À Pubbi je trouvai Mahbub Ali, l’écrivain, assis sur son charpoy[1] et conformément à votre loi je lui remis mes armes. Mais je n’en étais pas fâché, car il était dans mon intention de tuer Daoud Shah de mes mains nues… tiens, regarde : comme un homme dépouille une grappe de raisin. Mahbub Ali me dit :

— Daoud Shah vient tout juste de partir dare-dare à Peshawer, où il rassemblera ses chevaux

  1. Couchette indigène.