Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/233

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chait de lui, et grimpant sur son dos, Janki Meah se faisait porter directement au lopin de terre qu’il avait reçu, comme les autres mineurs, de la Compagnie de Jimahari. Le cheval connaissait l’endroit, et lorsque, au bout de six ans, la Compagnie changea tous les lotissements pour empêcher les mineurs d’acquérir des droits de propriété, Janki Meah, les larmes aux yeux, représenta que si l’on déplaçait son fermage, il ne viendrait jamais à bout de retrouver son chemin jusqu’au nouveau.

— Mon cheval ne connaît que cet endroit-là, affirmait Janki Meah.

On lui permit donc de garder son terrain.

Fort de cette concession et de ses épargnes d’huile accumulées, Janki Meah se remaria avec une fille de la famille Jolaha, branche principale du clan Meah, et d’une beauté singulière. Janki Meah ne pouvait voir sa beauté : il la prit donc de confiance et lui interdit de descendre au fond de la mine. Il n’avait pas travaillé trente ans dans le noir sans apprendre que le fond n’est pas la place d’une jolie fille. Il la chargea de bijoux — pas en cuivre ni en étain, mais en véritable argent — et pour le remercier elle se mit à flirter impudemment avec Kundoo de l’équipe de la galerie numéro sept. Kundoo était en réalité le chef d’équipe, mais Janki Meah exigeait que tout le travail fût inscrit sous son nom à