Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/248

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mes, mille hommes, disait-on, avaient été noyés dans la fosse. Tous voulaient s’en retourner chez eux demain. Les femmes réclamaient leurs hommes. Penchée sur l’orifice du puits que l’on avait débarrassé des cages, la petite Unda, ses vêtements trempés de pluie, appelait à grands cris son Kundoo. La seule réponse qui lui parvint fut la rumeur de l’inondation dans l’œil du puits, à quatre-vingt-dix mètres plus bas.

— Surveillez cette femme ! lança le directeur. D’ici une minute elle va se jeter dans la fosse.

Mais il s’inquiétait inutilement. Unda avait peur de la mort. Elle voulait son Kundoo. L’ingénieur considérait l’inondation et cherchait à voir jusqu’où il pourrait s’avancer dedans. L’eau s’apaisait et le tourbillon mollissait. La mine était pleine, et à la recette les gens hurlaient.

— Ma parole, nous aurons de la chance s’il nous reste cinq cents ouvriers ici demain ! prononça le directeur. Il y a peut-être encore moyen d’établir une digue provisoire en travers de cette eau. Jetez-y n’importe quoi, des bidons et des chars à buffles si vous n’avez pas assez de briques. C’est le moment de les faire travailler, ces tas de fainéants. Hohé ! les chefs d’équipe, faites-les travailler.

Peu à peu la foule se scinda en détachements qui s’avancèrent vers l’eau sous la promesse d’heures