Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/259

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les Sunnis[1] disent qu’un musulman ne peut épouser une idolâtre ? Le sahib est donc un prêtre, pour en savoir tant ? Moi je lui dirai une chose qu’il ne sait pas. En amour, il n’y a ni Shiah ni Sunni, ni défendue ni idolâtre ; et les Neuf Interdictions ne sont rien que neuf petits fagots que dévore entièrement la flamme de l’amour. En vérité je l’aurais bien prise ; mais que pouvais-je faire ? Le chef aurait envoyé ses hommes avec des massues pour me casser la tête. Cinq hommes quelconques ne me font… ne me faisaient pas peur ; mais qui peut résister à la moitié d’un village ?

C’était donc ma coutume, ces choses ayant été arrangées entre nous deux, d’aller nuitamment jusqu’au village de Pateera, et là nous nous rencontrions parmi les blés, sans que personne en sût rien. Mais attention ! J’avais l’habitude de traverser ici, longeant la jungle jusqu’à la courbe de la rivière où est le pont du chemin de fer, et d’aller de là à travers le coude de terre jusqu’à Pateera. Par les nuits obscures la lampe du sanctuaire était mon guide. Cette jungle proche de la rivière regorge de serpents — des petits karaits qui dorment sur le sable — et de plus, Ses frères à Elle m’auraient massacré s’ils m’eussent trouvé dans les blés. Mais

  1. Les deux grandes sectes musulmanes.