Aller au contenu

Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
le chien d’or

voyait bien que madame de Tilly n’avait pas une haute opinion de l’Intendant ; cependant elle voulut tenter un nouvel effort.

— Mais, ma chère dame, reprit-elle, l’Intendant est si puissant à la cour ! Il était l’ami intime de madame d’Étioles, avant qu’elle fît son apparition au palais, et c’est lui, paraît-il, qui s’avisa de la faire connaître au roi. Il arrangea tout pour qu’elle lui fût présentée, au fameux bal masqué de l’Hôtel de Ville. Le roi lui jeta alors son mouchoir, et elle devint la première dame du palais, et marquise de Pompadour. Elle n’a jamais oublié son ancien ami, et il est devenu Intendant de la Nouvelle-France, malgré tous les efforts de ses ennemis pour le perdre.

— Vous prétendez qu’il est arrivé là malgré tous les amis du roi ? reprit madame de Tilly.

Amélie l’entendit et elle vit bien, au frémissement de sa voix, qu’elle était à bout de patience. Madame de Tilly ne pouvait souffrir, sans éprouver un profond dégoût, qu’on prononçât devant elle le nom de la Pompadour ; mais sa vieille loyauté la gardait de parler mal du roi.

— Nous n’avons pas à nous occuper de ce qui se passe à la cour, continua-t-elle, ni des amitiés de l’Intendant. Mais je souhaite que l’avenir rachète son passé ; je souhaite que la Nouvelle-France n’ait pas, comme la malheureuse Acadie, à regretter le jour où il a mis le pied sur ses rivages.

Madame Couillard et madame de Grandmaison ne manquaient pas d’intelligence ; elles s’aperçurent bien qu’elles avaient éveillé les susceptibilités, — les préjugés, pensaient-elles, — de madame de Tilly. Elles se levèrent, et dissimulant leur dépit sous des paroles charmantes, elles prirent congé de la noble vieille dame. La digne seigneuresse les vit s’éloigner avec plaisir.

V.

— C’est une honte de parler ainsi, fit madame Couillard avec dépit, quand son neveu, héritier de