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le chien d’or

du fleuve. Ses pins superbes auraient fait des mâts dignes du plus grand vaisseau amiral.

III.

Il possédait Belmont, une demeure splendide d’où l’œil embrassait toute la pittoresque vallée de la rivière St. Charles. Mais le nuage qui avait obscurci le bonheur des autres, s’était aussi arrêté sur sa tête. Il avait vu, lui aussi, partir son dernier enfant, son bien-aimé Pierre. Le jeune homme avait dû laisser le toit paternel, pour aller étudier l’art militaire en France. La maison de Belmont resta déserte pendant l’absence de Pierre. Le bourgeois préférait demeurer en ville. Il pouvait surveiller de plus près ses nombreuses affaires. La compagne qui avait partagé avec lui une vie de bonheur, était morte depuis longtemps, laissant dans son cœur un vide que rien n’avait pu combler. Sa maison hospitalière s’ouvrait toujours grande pour les nombreux amis. Il était, cependant, grave, seul, et ne s’occupait du présent que pour ceux qui dépendaient de lui. Il vivait avec le souvenir ineffaçable de la chère morte, et avec l’espoir d’un brillant avenir pour son fils.

Il méritait d’attirer l’attention. Il inspirait la confiance. Il était le bras qui soutient, la sagesse qui conseille, la sympathie qui console. Grand, fortement découplé, il avait l’air noble des gens de hautes castes, une belle tête couronnée de cheveux grisonnants, une de ces têtes où la vie se concentre, que le temps ne dépouille point et qui emportent dans la tombe, la neige de leur centième année. Son œil vif vous devinait avant que vous eussiez parlé. Il était beau, ne riait pas souvent, car la gaieté avait déserté son cœur. Il pouvait prodiguer ses bontés, mais n’oubliait pas une injure, et exigeait une satisfaction complète.

IV.

Au moment où nous sommes arrivés, le bourgeois était assis à une table, dans son riche salon de la