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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/228

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LE CHIEN D’OR

avec son cœur de glace et ses passions de feu ; elle ne goûta jamais l’amour dans ce qu’il a de divin.

Elle songeait à épouser Le Gardeur, plus tard, quand elle serait fatiguée des amusements du monde. Elle n’avait pas peur de le voir s’échapper. Elle le tenait bien ! Elle pouvait rire, s’amuser, faire la coquette, l’irriter, le désespérer ; elle le ramènerait toujours comme l’oiseau que l’on tient avec un fil de soie. Elle inspirait l’amour si elle ne le ressentait pas. Elle se disait que les hommes avaient été mis au monde pour l’aimer, la distraire, la servir, l’aduler et la combler de présents. Elle acceptait tout comme chose due et ne donnait rien en retour.

V.

Quelque chose venait de troubler les amours de Le Gardeur et d’Angélique. Pour le jeune officier, c’était un nuage épais ; pour la belle coquette, c’était un coup de soleil.

Bigot était nouvellement débarqué à Québec avec le titre pompeux d’Intendant royal. Son rang, sa fortune colossale, ses relations à la cour, son état de garçon : c’était plus qu’il ne fallait pour réveiller l’ambition de l’orgueilleuse fille. Elle fut charmée de son esprit, de ses belles manières. Il mit le comble à son enthousiasme en la recherchant de préférence aux autres jeunes filles.

Elle regardait déjà l’Intendant comme un piédestal pour monter plus haut. Elle rêvait déjà les splendeurs royales. Bigot la présenterait à la cour. Les nobles et les princes s’attacheraient à ses pas, et le roi, quand il la rencontrerait dans les grands salons de Versailles, le roi lui décocherait ses plus doux sourires !

Cela pouvait arriver ; elle le sentait, il fallait seulement trouver le secret ; Bigot serait l’instrument.

— Si les femmes gouvernent la France en vertu d’un droit plus divin que le droit des rois, je règne-