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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/305

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LE CHIEN D’OR

voltigeait de tous côtés, donnant des ordres, grondant, riant, plaisantant, levant les mains au plafond ou frappant le plancher d’un pied fiévreux, tout cela, pour que le dîner fut digne de Philibert et digne de lui-même.

Guillot était petit et gras ; il portait un nez rouge, des yeux noirs et une bouche irascible comme la bouche d’un pâtissier de Lerne. Son cœur était d’une bonne pâte, cependant, et il gratifiait de ses meilleures sauces, les compagnons qui s’inclinaient humblement devant son sceptre.

Malheur, par exemple, à l’imprudent qui n’obéissait pas sur le champ ou s’avisait de discuter ses ordres ! Le typhon balayait la cuisine. Dame Rachel, elle-même, n’avait qu’à s’envelopper dans ses jupons et à déguerpir pour échapper à la tempête ! Tempête terrible ! mais qui s’apaisait d’autant plus vite qu’elle avait été plus violente.

Il savait ce qu’il avait à faire aujourd’hui ! Il n’avait pas coutume, disait-il, de s’essuyer le nez avec un hareng. Le dîner qu’il était en frais de préparer serait un dîner de Pape après carême !

Il avait un grand respect pour le bourgeois son maître, mais il déplorait son manque de goût. Il ne pouvait pas se le dissimuler : il l’avait sur le cœur ! le bourgeois n’était pas tout à fait digne de son cuisinier ! Par exemple ! il adorait le père de Berey ! Quel jugement ! quelle sûreté de goût possédait le jovial Récollet !… L’approbation du bon père valait mieux que les compliments de tout un monde de mangeurs banaux qui font claquer leurs lèvres en affirmant qu’un mets est excellent et ne sont pas plus capables que les cent Suisses de dire pourquoi il est excellent ; gens qui ne comprennent pas les artistes !

XIII.

Afin d’instruire, de nourrir et de caresser le palais de la postérité, Guillot Gabet appela Jules Painchaud, son futur gendre et, avec la solennité