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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/428

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le chien d’or

l’honneur de danser le menuet et le cotillon avec un Intendant français.

Elles n’oubliaient pas de dire, dans leur vanité toujours jeune, comme il les avait trouvées belles et gracieuses. Plusieurs même avouaient qu’il les avait embrassées, comme cela se pratiquait à la cour, à leur première présentation, et leur avait dit les plus gracieux compliments.

Les filles et les petites filles d’alors riaient, et se faisaient des clins d’œil. Elles ne s’étonnaient pas du tout de ce que les dames du vieux temps fussent capables de s’entredéchirer pour les faveurs d’un Intendant aussi galant.

Elles se souvenaient aussi, ces vieilles douairières, des noms de presque tous les gentilshommes qui assistèrent à ce bal fameux. C’étaient pour la plupart, les riches associés de la grande compagnie, des millionnaires ; aussi, il fallait voir avec quelle ardeur les jeunes filles se disputaient leur conquête ! Jusqu’au sieur Maurin, le bossu, qui fut l’objet d’une poursuite acharnée de la part d’une vingtaine d’entre elles ! Ce fut une fille de St. Roch, une bien belle fille, qui le gagna. Il est vrai qu’il était cousu d’or, ce bossu. Toute sa bosse était d’or !

Les officiers de l’armée de terre et de la marine ne furent pas oubliés alors. Ils ne furent pas, non plus, les moins admirés avec leurs habits chamarrés, leurs cols de soie, leurs boucles et leurs épaulettes d’or, ce brillant costume de Versailles que n’avait point encore remplacé le froid uniforme de Saint James.

Madame de Grandmaison, qui avait vieilli comme les autres femmes, et bien malgré elle aussi, disait alors d’une voix chevrotante et noblement indignée :

— Non ! en ces temps-là, la bourgeoisie n’était pas toujours sur les talons de la noblesse comme aujourd’hui ! et les bourgeois qui furent admis au grand bal de l’Intendant, durent rester dans les galeries. Ils étaient les spectateurs jaloux de nos plaisirs enivrants !