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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/457

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le chien d’or

chastes et modestes. Je les ai formées jeunes ! J’employais le moyen des créoles ; je leur attachais le Bas de la jambe avec un ruban deux fois long comme la main ; pas davantage ! Et je ne leur permettais point de faire les pas plus longs. C’était à la maison que je faisais cela, comme de raison ! C’est ce qui leur a donné cette démarche un peu légère, un peu sautillante que tous les messieurs admirent chez elles, et chez moi aussi. C’est aux Antilles que j’ai appris ce secret, madame Couillard, aux Antilles où les femmes marchent comme des anges !

— Vraiment ! fit madame Couillard avec une ironie parfaitement déguisée. J’ai souvent remarqué les pas légers et gracieux de vos demoiselles et je ne pouvais pas deviner où elles avaient appris à si bien se tenir. Je ne savais pas qu’elles avaient suivi un cours de démarche.

— N’est-ce pas que c’est admirable ? Les hommes, voyez-vous, madame Couillard, s’éprennent d’un beau pied comme d’un beau visage.

— Quand les pieds sont mieux que la figure, madame de Grand’maison, j’oserai dire… Mais ces pauvres hommes, continua-t-elle, sont dupes si souvent ! Celui-ci aime un œil, celui-là, un nez ; l’un devient fou d’une boucle de cheveux, l’autre d’une main ; un troisième se pâme devant une joue, un quatrième, devant un pied, comme vous le dites… Bien peu s’occupent du cœur, car on ne le voit pas. J’ai connu un homme qui est devenu amoureux parce qu’une robe lui avait frôlé le genou.

Madame Couillard se mit à rire à ce souvenir du temps éloigné de ses amours probablement.

— Un beau marcher, affirma madame de Grand’maison, pour conclure, un beau marcher est le complément de l’éducation d’une jeune fille. C’est une grande leçon de morale et la base de la vertu de la femme. J’ai fort insisté auprès des dames Ursulines pour qu’elles donnent à cet art l’une des premières places dans leur programme et j’ai lieu de croire qu’elles approuvent hautement mon idée. S’il en est