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Page:Kirby - Le chien d'or, tome II, trad LeMay, 1884.djvu/109

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le chien d’or

blay, tout ce que vous voudrez ! Seulement il faudra que je la voie seule.

— Quant à moi, je le veux bien, mais je ne sais pas si elle consentira. Elle a une tête ! je n’oserais pas la solliciter trop vivement… Tenez ! ce mystère de femme me trouble étrangement. J’en maigris. Voyez donc mes coudes, mes genoux !… Je n’ai pas été dans un pire état depuis le temps du bonhomme Tremblay. Ce pauvre homme !…

Je vais aller lui demander si elle veut faire dire sa bonne fortune. Elle est délaissée de tout le monde, désespérée. Une femme désespérée s’accroche à tout. C’est ce que j’ai fait quand j’ai épousé, d’après votre conseil, le sieur Tremblay.

Dame Tremblay s’essuya la bouche et les joues avec le coin de son tablier et descendit à l’appartement de Caroline.

XVIII.

Mademoiselle de St. Castin, assise à sa fenêtre, travaillait à une dentelle, en songeant à ses joies d’autrefois et à ses douleurs d’aujourd’hui. Et souvent elle relevait son front pâle comme pour regarder le ciel qui se déroulait sur les bois jaunissants, et alors son ouvrage reposait sur ses genoux, entre ses mains immobiles.

Elle rappelait une à une, comme des perles précieuses, les paroles que l’Intendant lui avait adressées en partant pour les Trois-Rivières. Sa voix avait eu une douceur inaccoutumée, sa main semblait plus chaude et plus loyale, son regard, plus tendre, et plus franc ! Comme il avait paru ému quand, sur la galerie, en se séparant d’elle, il lui recommanda de prendre bien soin de sa santé et de retrouver les roses d’Acadie !

— Oh ! les pauvres roses d’Acadie, pensait-elle douloureusement, elles ne refleuriront plus jamais !… je les ai trop longtemps arrosées de mes larmes… trop longtemps en vain !… Il est trop tard, Bigot, trop tard !