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le chien d’or

reprit Bigot, car ce n’est pas moi qui l’ai envoyée. Elle a disparu je ne sais comment ; elle est partie, envolée ! Je donnerais la moitié de ma fortune pour savoir qui l’a aidée à s’enfuir…

Angélique s’attendait à une explosion de rage, à un débordement de plaintes, et rien de tout cela ! De l’indignation, mais une froide indignation ; une grande douleur peut-être ; mais une douleur calculée !

Et c’est ainsi qu’en face l’un de l’autre, ils restaient deux énigmes indéchiffrables. Ils se surveillaient, s’épiaient et se trompaient sans cesse. Dignes adversaires ou vaillante paire d’amis, également faux, également rusés, également dissimulés, ils causaient avec un charmant abandon, semblait-il, de tendresse et de dévoûment, d’amour et de fidélité.

Cependant, Bigot ne parlait point de mariage, et Angélique se demandait s’il nourrissait des soupçons contre elle, ou si elle avait perdu quelque chose de sa beauté.

Elle avait si aisément mis à ses genoux les hommes dont elle ne voulait point ! comment se faisait-il qu’elle ne pouvait vaincre le seul qu’elle voulut épouser ?

III.

Elle songeait parfois à Le Gardeur et le tableau riant d’une vie calme et pure se déroulait devant ses yeux. Alors, elle se prenait à maudire sa destinée et son ambition. Elle maudissait la Corriveau, cette sorcière infâme qui l’avait aidée de ses conseils et s’était faite son instrument.

Pauvre Le Gardeur ! il courait vite à sa perte… Cette pensée du déshonneur et de la ruine de l’homme qu’elle aimait lui faisait mal. Pourquoi ne pas l’arrêter, lui le bien-aimé, sur le bord de l’abîme ? pourquoi ne pas l’arracher à ses ennemis, à la honte, à l’ignominie ? et pourquoi ne pas s’envoler avec lui, vers les splendeurs de la félicité, comme des oiseaux qui s’échappent des filets du chasseur pour