sur un tabouret, et s’appuyant avec grâce sur ses genoux :
— Nous étions loin de songer à cela, dit-elle, au couvent !
Et elle montrait l’anneau qu’elle portait elle aussi depuis quelques jours.
Elle mit sa main à côté de celle d’Amélie comme pour comparer les deux joyaux.
— Elle est belle ta bague, fit Amélie, et tu peux en être fière.
— Et je suis fière de mon fiancé ! À part Philibert, je ne vois pas un pareil gentilhomme dans toute la Nouvelle-France.
— Et tu trouves qu’il ressemble à Pierre ?
— Pas au physique, mais au moral : mêmes qualités, même noblesse, mêmes vertus !
Il n’a pas la haute stature de Pierre, ni son œil bleu acier ; mais il est aussi beau d’une autre façon.
— Et tu l’aimes bien, ton Jumonville ?
— Et je veux être digne de lui !… N’est-ce pas que nous sommes heureuses, Amélie ?…
— Trop, peut-être… J’ai toujours peur des grandes félicités. Pierre revient ce soir ; il ne repartira plus sans moi, je te l’assure. Tu comprends ?… Tiens ! Le Gardeur m’a écrit une charmante lettre. Il a réfléchi, le pauvre enfant ! il reprend quelqu’empire sur lui-même, et ses nobles sentiments se réveillent tout à fait… Comme je suis heureuse !
— Pauvre Le Gardeur ! te l’avouerai-je, Amélie ? si Jumonville n’était pas revenu, j’aurais été la rivale d’Héloïse, et comme elle, sans doute, j’aurais été supplantée par Angélique…
— La bonne Héloïse ! murmura Amélie, elle se serait consolée en songeant que tu es digne de celui qu’elle aime.
— Je n’aurais pas une aussi parfaite résignation, Amélie, et je ne voudrais pas maintenant faire le bonheur d’un autre que Jumonville ! C’est de l’égoïsme, mais c’est bien naturel pourtant, je mourrais s’il m’était infidèle !