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le chien d’or

agrandissent l’esprit, et en écrivant, il baissait et relevait sa belle tête blonde, par un mouvement régulier, et comme pour approuver les savants qu’il étudiait.

Le gouverneur répéta son invitation, et cette fois Kalm entendit. Il se leva derrière sa pile de livres et sourit à l’ami qui le rappelait à la vie réelle. Un instant après, il se mettait à table avec les autres gentilshommes.

— Kalm, commença le gouverneur, d’une voix émue, ceci me rappelle notre temps d’étudiants à Upsal, alors que nous portions le chapeau blanc à bord noir. Le bon vieux temps ! Vous vous souvenez que les écoliers vous appelaient l’ingénieur, parce que vous vous entouriez toujours alors d’une muraille de livres et d’une provision de raisonnements qui vous rendaient inattaquable comme les murs de Müdgard.

— Ah ! comte, c’était en effet le bon temps ! Nous n’étions pas alors, comme aujourd’hui, ni trop vieux ni trop sages ! Devant nous, derrière nous, tout était lumière ! Chaque soir nous entrions dans nos alcôves comme les oiseaux dans leurs nids, et l’aile de Dieu s’ouvrait pour nous couvrir. Chaque matin, c’était un rayonnement nouveau, rayonnement de la science, de la santé, de la jeunesse et de la gaieté !… Comme le jeune Linnée était fier des géants ses frères !… Pauvres ambitieux ! nous nous pensions des aigles, et nous étions des poussins sans plumes !… Vous n’avez pas oublié, comte, la langue des hommes du Nord ?

— Non, certes ! je ne l’ai pas oubliée ! repartit le gouverneur, et je ne l’oublierai jamais ! Écoutez, Kalm.

Et il se mit à redire, avec un excellent accent, quelques vers d’une ballade suédoise, fort populaire autrefois parmi les étudiants d’Upsal :

Smeriges man akter pag ait lofva
Om Gud, vill mig nader gifva !
Deras dygd framfora aner akt och hag
Den stum der pag ma lefva !