Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les pierres qui l’obstruaient. Ils cimentaient les rives ; ils arrachaient ou taillaient les buissons et les arbres qui dépassaient les bords, les vignes vierges et les plantes grimpantes. Un peu plus loin le travail était déjà au point et je contemplai ce que doit être une vallée d’après les idées allemandes. L’eau, massée maintenant en un courant large et noble, coulait dans un lit aplani et sablonneux entre deux murs couronnés d’une crête imposante. Tous les cent mètres elle descendait gentiment trois marches en bois. Sur chaque rive une petite étendue de terrain avait été défrichée et à intervalles réguliers on y avait planté des peupliers. Chaque arbrisseau était protégé par un treillage d’osier et soutenu par une baguette de fer. Le conseil municipal espère dans la suite des temps « finir » la vallée d’un bout à l’autre et en faire une promenade digne de l’amateur pointilleux d’une nature à l’allemande. On y trouvera un banc tous les cinquante mètres, un arrêté de police tous les cent et un restaurant tous les cinq cents.

Et voilà ce qu’ils font depuis le Memel jusqu’au Rhin : mettre en ordre leur pays. Je me souviens parfaitement du Wehrtal. Ce fut jadis la vallée la plus romanesque qu’on pût trouver dans la forêt Noire. La dernière fois que je la descendis, j’y rencontrai un campement d’une centaine d’Italiens : ils étaient en plein travail, traçant à la petite Wehr sauvage le chemin qu’elle devait suivre ; ils embriquetaient les rives, ils faisaient sauter les rochers,