Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/79

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matin, avant le déjeuner, n’est pas propice à l’effort littéraire. J’écrivis trois chapitres d’un conte et les relus ensuite. On a médit de mes ouvrages ; on a quelquefois parlé de mes livres d’une manière peu aimable ; mais jamais on n’aurait émis de jugements assez sévères pour flétrir les trois chapitres écrits ce matin-là. Je les jetai dans la corbeille à papier et essayai de me remémorer les établissements charitables, si toutefois il en existe, qui servent de retraite aux écrivains ramollis.

Je pris une balle de golf, choisis un driver pour me distraire de ces pensées, et sortis flâner dans le pré. Une couple de brebis broutaient là ; elles me suivirent et prirent un vif intérêt à mes exercices. L’une était une bonne âme, sympathique. Je ne pense pas qu’elle comprît rien à ce jeu ; je crois plutôt que ce qui lui parut étrange, c’était l’heure matinale à laquelle je me livrais à ce divertissement innocent. Elle bêlait à chacun de mes coups :

— Bi-en, bi-en, très bi-en !

Elle paraissait tout aussi contente que si elle les avait joués elle-même.

Tandis que l’autre était une sale bête acariâtre et désagréable, me décourageant autant que sa compagne m’aiguillonnait.

— Piè-tre, horriblement piè-tre ! tel était son commentaire à presque chacun de mes coups. Il y en eut, en vérité, quelques-uns de très beaux ; mais elle faisait exprès d’être d’un avis opposé, simple-