Page:Kostomarov - Deux nationalités russes.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


II

Revenons à nos moutons.

Je disais que le nom de Rouss dès le commencement s’appliquait au peuple russe méridional, mais aucun nom n’est adopté sans cause. On ne peut tout à coup imposer à un peuple un nom quelconque. Cette idée pourrait naître dans la cervelle d’un de ces savants qui nous ont appris la nouveauté saugrenue que c’est Catherine II qui a commandé au peuple de Moscou de s’appeler Russe qu’elle a défendu de se servir de l’ancien nom de Moscovite.

En même temps que le nom se répandait, l’histoire originale de notre peuple se développait. Naturellement nos anciens chroniqueurs nous laissent dans les difficultés aussitôt que nous voulons remonter jusque dans l’antiquité le cours de la vie nationale. Ils nous fatiguent par des récits de guerres entre princes, de constructions d’églises ; ils nous citent minutieusement le jour et l’année de la mort des princes et des évêques, mais si l’on frappe à la porte de la vie populaire, ils sont sourds et muets et la clef de cette porte fermée a été il y a longtemps jetée dans la mer de l’oubli ; nous avons malheureusement perdu les traces de ce passé éloigné. Il faut donc se contenter de savoir que la Rouss méridionale, de bonne heure commença à croître d’une façon originale ne ressemblant pas à celle de la Rouss septentrionale ; au midi les fondements généraux se développèrent, s’enracinèrent, changèrent d’apparence, tout autrement que dans le nord.

Le nord et encore le nord-est jusqu’à la moitié du douzième siècle sont peu connus. Les annalistes de cette époque ne parlent que du midi : dans les chroniques de Novgorod, on ne trouve que des passages si courts et si décousus, qu’après les avoir lus on se demande si ce n’était pas un résumé (l’index) de chroniques perdues.

Il faut avouer que c’est assez ridicule d’entendre de profondes dissertations sur le développement des institutions publiques de Novgorod comme si elles s’appliquaient à toute la Russie, idées prêchées couramment par des savants et enseignées même dans les écoles de Russie, tandis qu’on ne peut, en réalité, parler que des développements des chroniques de Novgorod et pas du tout de la vie publique de Novgorod.

Ainsi, les descriptions de la vie et des mœurs de la Russie