Page:Kostomarov - Deux nationalités russes.djvu/33

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sans une résistance énergique. Mais dans la Russie méridionale il n’en était pas ainsi. Là le peuple, sentant la violence faite à sa conscience, protesta vivement et défendit son ancienne liberté de conscience, et par la suite même, après avoir accepté l’union, il s’en séparait plus facilement que les Russiens-Blancs. Ainsi les Ukraniens en ne permettant pas au clergé de sanctifier à sa fantaisie les faits, en réalité restaient fidèles à l’église elle-même plus que le peuple grand-russien, et on y observait plus l’esprit que la forme. Au temps actuel le sectarisme pour la forme, les cérémonies, la lettre ne se comprendraient pas dans le peuple petit-russien ; quiconque connaît assez bien ce peuple, quiconque a étudié sa vie et ses idées en conviendra facilement.

Nous avons vu comment, dans son enfance, l’élément grand-russien s’est centralisé à Vladimir, puis comment dans son adolescence, à Moscou, il montrait aussi sa tendance à réunir, soumettre et absorber les parties indépendantes.

Dans la sphère religieuse morale la même tendance se faisait jour, on vit l’intolérance pour les différentes religions étrangères, le mépris pour les nationalités étrangères et une très haute opinion de soi. Tous les étrangers qui ont, visité la Moscovie aux XVe, XVIe et XVIIe siècles sont unanimes à déclarer que les Moscovites méprisent les religions et les nationalités étrangères. Les tsars eux-mêmes, qui sous ce rapport étaient supérieurs à la masse populaire, se lavaient les mains après avoir touché celles des ambassadeurs chrétiens. Les Allemands, autorisés à vivre à Moscou, étaient exposés au mépris des Russes ; le clergé jetait les hauts cris contre tout rapport avec eux, et s’il arrivait par erreur qu’un patriarche leur donnât la bénédiction, il insistait pour qu’ils se distinguassent mieux des orthodoxes par le costume pour que dorénavant ils ne reçussent pas par erreur la bénédiction ; les religions latine, luthérienne, arménienne, bref, toutes, pour peu qu’elles différassent de l’orthodoxie, étaient considérée chez les Grands-Russiens comme maudites. Les Moscovites se regardaient comme le seul peuple élu, et même ils n’étaient pas tout à fait bien disposés envers leurs coreligionnaires, les Grecs et les Petits-Russiens. Tout ce qui différait un peu de leur nationalité méritait le mépris, était considéré comme hérésie, les Grands-Russiens regardaient ce qui n’était pas eux du haut de leur grandeur.