Aller au contenu

Page:Kostomarov - Deux nationalités russes.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui est nécessaire pour résoudre les problèmes que ce peuple s’est imposé dans le courant historique de la politique. Les meilleurs poèmes grands-russiens sont ceux qui peignent les mouvements de l’âme, qui recueillent ses forces ou représentent le triomphe ou l’insuccès, lorsque ceux-ci pourtant ne brisent pas la puissance intérieure. De là les chansons de brigands — le brigand c’est un héros qui va combattre contre les circonstances et contre l’ordre public. La destruction, c’est son élément, mais la destruction implique nécessairement la construction. Cette dernière se montre déjà dans la composition de bandes de brigands, lesquels représentent une sorte de corps civil. C’est pourquoi il ne paraîtra pas étrange que nous observions dans les chansons de brigands cet élément de collectivité, cette même tendance à instituer un corps gouvernemental, tendance qui se montre dans toute la vie historique du peuple grand-russien. Ce peuple est éminemment pratique, matérialiste, il ne s’élève à la poésie que lorsqu’il sort de la sphère de la vie présente pendant laquelle il travaille sans enthousiasme, sans entraînement, se mesurant plutôt avec les détails, les minuties, et perdant de vue l’idéal qui forme la réalité de la poésie de toute chose et de toute affaire. C’est pourquoi la poésie grande-russienne s’efforce d’atteindre l’irréel, l’impossible ou bien tombe si souvent jusqu’à n’être qu’un simple amusement. Le souvenir historique devient immédiatement une épopée et se transforme en contes. Tandis que dans les poésies ukraniennes, la réalité se tient mieux, elle n’a pas besoin de transformer cette activité en épopée pour qu’elle brille d’un éclat, d’une poésie luxuriantes. Dans les chansons grandes-russiennes, il y a de la nostalgie, la réflexion ; mais il n’y a pas ce sérieux pensif qui nous ravit tellement dans les chansons petites-russiennes qui nous emporte l’âme dans le domaine de l’imagination et nous réchauffe le cœur d’un feu surnaturel. La part de la nature dans les chansons grandes-russiennes est faible, elle est extrêmement forte dans les nôtres. La poésie ukranienne est inséparable de la nature, mais elle l’anime, elle la fait participer aux joies et aux tristesses de l’art humain ; herbes, arbres, oiseaux, animaux, astres, matins et soirs, chaleurs et neiges, tout respire, pense, sent avec l’homme, tout répète avec une voix enchanteresse, tantôt la sympathie, tantôt l’espoir, tantôt la condamnation. Le sentiment amoureux, ordinairement l’âme de toute poésie populaire, s’élève rarement