Page:Kouprine - Le Bracelet de grenats, 1922.djvu/291

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traiter, maintenant que nous sommes seul à seul, de lâche et de gredin !

— Vous me rendrez compte de cette injure les armes à la main, vociféra de Monts de Riques, en arrachant dans un sursaut de colère le col de sa chemise.

— Non, répondis-je fermement. Primo : je ne vois pas de motif à ce duel, sauf celui de vous avoir traité de gredin, mais sans témoins. Secundo : l’œuvre à laquelle je consacre toutes mes forces est d’une importance tellement incalculable que j’estime impossible de m’en laisser détourner par votre ridicule pistolet — tant qu’elle n’aura pas été menée à bien. Tertio : ne trouvez-vous pas plus simple d’empaqueter immédiatement vos objets les plus indispensables, de sauter sur la première mule venue, et de gagner Quito et de là l’hospitalière Angleterre ? À moins, honorable canaille, que vous n’y ayez aussi attenté à l’honneur ou à la bourse de quelque protecteur ?

Il se précipita sur la table et s’empara convulsivement d’une cravache en cuir d’hippopotame :

— Je vous rosserai comme un chien, hurla-t-il.

Je sentis se réveiller en moi ma vieille pratique de boxeur. Sans lui laisser le temps de se reconnaître, je le surpris d’une feinte du gauche et lui portai du droit un direct à la mâchoire. Il mugit, tourna comme une toupie, et un flot de sang noir lui jaillit du nez. Je sortis.

29 juin. — Pourquoi n’ai-je pas vu de la journée de Monts de Riques ? m’a tout à coup demandé lord Chalsbury ?

— Il est indisposé, je crois, répondis-je, les yeux fixés à terre.

Nous étions assis tous deux sur la pente