Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/149

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je fus toujours soumis à mes idées ; ma maîtresse était une femme brutale qui m’exploitait à tous les points de vue, même au point de vue sexuel, qui m’attelait devant sa voiture et faisait ainsi ses promenades, une femme que je devais suivre comme un chien et aux pieds de laquelle je devais me coucher nu pour être battu et fouetté.

Voilà quelle était la base fixe des représentations de mon imagination autour desquelles se groupaient toutes les autres images.

J’éprouvais, à me livrer à ces idées, un grand plaisir qui me causait des érections, mais jamais d’éjaculation. À la suite de la grande excitation sexuelle que me donnaient ces images, je cherchais une femme, de préférence une femme d’un extérieur correspondant à mon idéal, et je faisais le coït avec elle sans aucun autre procédé et sans être, pendant l’acte, dominé par les images en question. J’avais en outre des penchants pour d’autres femmes et je faisais avec elles le coït sans y être amené par l’impression de l’image évoquée.

Bien que j’aie mené, d’après ce qu’on a pu voir jusqu’ici, une vie pas trop anormale au point de vue sexuel, ces images se présentaient périodiquement et avec régularité à mon esprit, et c’étaient presque toujours les mêmes scènes que mon imagination évoquait. À mesure que mon instinct sexuel augmentait, les intervalles entre l’apparition des images devenaient de plus en plus longs. Actuellement ces représentations se montrent tous les quinze jours ou toutes les trois semaines. Si je faisais le coït la veille, j’en empêcherais peut-être le retour. Je n’ai jamais essayé de donner un corps à ces représentations très précises et très caractéristiques, c’est-à-dire de les relier avec le monde extérieur ; je me suis contenté de me délecter des jeux de mon imagination, car j’étais profondément convaincu que jamais je ne pourrais obtenir une réalisation de mon « idéal », pas même une réalisation approximative. L’idée d’arranger une comédie avec des filles publiques payées, me paraissait ridicule et inutile, car une personne que je payerais ne pourrait jamais, dans mon idée, occuper la place d’« une souveraine » cruelle. Je doute qu’il y ait des femmes à tendances sadiques, telles que les héroïnes des romans de Sacher-Masoch. Quand même il y en aurait, et que j’aurais le bonheur d’en trouver une, mes rapports avec elle, dans la vie réelle, m’auraient toujours paru comme une comédie. Eh bien ! me disais-je, si je tombais sous l’esclavage d’une Messa-