Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/152

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La lecture du chapitre de votre livre sur ce sujet m’a fait, ainsi que vous pouvez vous l’imaginer, une formidable impression. Je crus à une guérison, mais à une guérison par la logique d’après la maxime : tout comprendre, c’est tout guérir.

Il est vrai qu’il ne faut entendre le mot guérison qu’avec une certaine restriction, et qu’il faut bien distinguer entre sentiments généraux et idées concrètes. Les premiers ne peuvent jamais se supprimer. Ils surgissent comme l’éclair ; ils sont là et l’on ne sait comment ni d’où ils viennent. Mais on peut éviter la pratique du masochisme en s’abandonnant aux images concrètes et cohérentes ou du moins on peut l’endiguer en quelque sorte.

À l’heure qu’il est, ma situation a changé. Je me dis : Quoi ! tu t’enthousiasmes pour des objets que réprouve non seulement le sens esthétique des autres, mais aussi le tien ! Tu trouves beau et désirable ce qui, d’après ton jugement, est vilain, bas, ridicule et en même temps impossible ! Tu désires une situation dans laquelle en réalité tu ne voudrais jamais entrer ! Voilà les contre-motifs qui agissent comme entraves, dégrisent et coupent court aux fantaisies. En effet, depuis la lecture de votre livre (au commencement de cette année), je ne me suis pas une seule fois laissé aller aux rêveries, bien que les tendances masochistes se manifestent à intervalles réguliers.

Du reste, je dois avouer que le masochisme, malgré son caractère pathologique très prononcé, non seulement ne peut pas gâter le bonheur de ma vie, mais n’a pas non plus la moindre action sur ma vie sociale. Pendant la période exempte du masochisme, je suis un homme très normal en ce qui concerne mes actions et mes sentiments. Au moment de mes accès masochistes, il se produit une grande révolution dans le monde de mes sentiments, mais ma vie extérieure ne change en rien. J’ai une profession qui exige que je me montre beaucoup dans la vie publique. Or, j’exerce ma profession, pendant l’état masochiste, aussi bien que pendant d’autres périodes.


L’auteur de ce mémoire m’a encore envoyé les notes suivantes :


I. D’après mon expérience, le masochisme est dans tous les cas congénital et n’est jamais créé par l’individu. Je sais positivement que je n’ai jamais été battu sur les fesses, que mes idées masochistes se sont manifestées dès ma première jeunesse, et que j’ai