Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/263

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sée, mais dans les rapports sexuels avec la femme, surtout quand elle a des seins forts, je suis toujours puissant sans avoir besoin de me créer dans mon imagination des scènes excitantes. Je n’ai jamais essayé de séduire à mes vils désirs un jeune ouvrier ou quelqu’un de son monde, et je ne le ferai jamais ; mais j’en ai souvent envie. Quelquefois je fixe dans ma mémoire l’image d’un de ces garçons et je me masturbe chez moi.

Je n’ai aucun goût pour les occupations féminines. Je n’aime pas trop à être dans la société des dames ; la danse m’est désagréable. Je m’intéresse vivement aux beaux-arts. Si j’ai parfois un sentiment d’inversion sexuelle, c’est, je crois, en partie une conséquence de ma grande paresse qui m’empêche de me déranger pour entamer une liaison avec une fille ; toujours fréquenter le lupanar, cela répugne à mes sentiments esthétiques. Aussi je retombe toujours dans ce maudit onanisme auquel il m’est bien difficile de renoncer.

Je me suis déjà dit cent fois que, pour avoir des sentiments sexuels tout à fait normaux, il me faudrait avant tout étouffer ma passion presque indomptable pour ce maudit onanisme, aberration si répugnante pour mes sentiments esthétiques. J’ai pris tant et tant de fois la ferme résolution de combattre cette passion de toute la force de ma volonté ! Mais jusqu’ici je n’ai pas réussi. Au lieu de chercher une satisfaction naturelle quand l’instinct génital devenait trop violent chez moi, je préférais me masturber, car je sentais que j’en éprouverais plus de plaisir.

Et cependant l’expérience m’a appris que j’étais toujours puissant avec les filles, sans difficulté et sans avoir recours à des images des parties génitales viriles, sauf une seule fois je ne suis pas arrivé à l’éjaculation, parce que la femme – c’était dans un lupanar – manquait absolument de charme. Je ne peux pas me débarrasser de l’idée ni me défendre du grave reproche que je me fais à ce sujet, que l’inversion sexuelle dont sans doute je suis atteint à un certain degré, n’est que la conséquence de mes masturbations excessives, et cela me cause d’autant plus de dépression morale que j’avoue ne guère me sentir la force de renoncer par ma propre volonté à ce vice.

À la suite de mes rapports sexuels avec un condisciple et ami de longue date, rapports qui n’ont commencé que pendant notre séjour à l’Université et après sept ans de relations amicales, le penchant pour les satisfactions anormales du libido s’est renforcé en moi.