Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/291

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touche et qu’on s’y connaît bien ; seulement il ne faut pas que cela se produise devant sa propre épouse. Combien je fus effrayé un jour que ma femme disait à une amie que j’avais un goût très distingué pour les articles de dames ! Combien fut surprise une dame à la mode et très orgueilleuse qui voulait donner une fausse éducation à sa fille, lorsque je lui analysai en paroles et par écrit tous les sentiments et toutes les sensations d’une femme ! (Je fis un mensonge en lui alléguant que j’avais puisé dans des lettres ces connaissances d’un caractère si intime.) Maintenant cette dame a une grande confiance en moi, et l’enfant qui était sur le point de devenir folle, est restée sensée et très gaie. Elle m’avait confessé, comme si c’étaient des péchés, toutes les manifestations des sentiments féminins ; maintenant elle sait ce qu’elle doit supporter comme fille, ce qu’elle doit maîtriser par sa volonté et par dévouement religieux : elle se sent comme un être humain. Les deux dames riraient beaucoup, si elles savaient que je n’ai puisé que dans ma propre et triste expérience. Je dois ajouter encore que, depuis, j’ai une sensibilité beaucoup plus vive pour la température ; à cela s’est joint encore le sentiment, inconnu auparavant, d’avoir la peau élastique et de comprendre ce que les malades éprouvent dans la dilatation des intestins. Mais, d’autre part, quand je dissèque un corps ou fais une opération, les liquides pénètrent plus facilement ma peau. Chaque dissection me cause de la douleur ; chaque examen d’une femme ou d’une prostituée avec fluor ou odeur de crevette, etc., m’agace horriblement. Je suis maintenant très accessible à l’influence de l’antipathie et de la sympathie, qui se manifestent même par suite de l’effet de certaines couleurs aussi bien que par l’impression totale qu’un individu me fait. Les femmes devinent par un coup d’œil l’état sexuel de leurs semblables ; voilà pourquoi les femmes portent un voile, bien qu’elles ne le baissent pas toujours, et pourquoi elles se mettent des odeurs, ne fût-ce que dans les mouchoirs ou dans les gants, car leur acuité olfactive en présence de leur propre sexe est énorme. En général, les odeurs ont une influence incroyable sur l’organisme féminin ; ainsi, par exemple, je suis calmé par l’odeur de la rose ou de la violette ; d’autres odeurs me donnent la nausée ; l’ylang-ylang me cause tant d’excitation sexuelle que je ne puis plus y tenir. Le contact avec une femme me paraît homogène ; le coït avec ma femme ne m’est possible que si elle est un peu plus virile, a la peau plus dure ; et pourtant c’est plutôt un amor lesbicus[ws 1].

  1. amour lesbien.