Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/294

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bien songer qu’on peut avoir des défaillances dans un rôle dont le déguisement vous a été imposé malgré vous.

J’espère, après avoir lu vos ouvrages, que, en continuant à remplir mes devoirs comme médecin, citoyen, père et époux, je pourrai toujours me compter au nombre de ceux qui ne méritent pas d’être méprisés entièrement.

Enfin j’ai tenu à vous présenter le résultat de mes souvenirs et de mes méditations, afin de prouver qu’on peut être médecin malgré la nature féminine de ses pensées et de ses sentiments. Je crois que c’est un grand tort de fermer à la femme la carrière médicale ; une femme découvre, grâce à son instinct, les signes de certains maux que l’homme scruta dans l’obscurité, en dépit de tout diagnostic ; en tout cas, il en est ainsi lorsqu’il s’agit de maladies de femmes et d’enfants. Si on pouvait le faire, chaque médecin devrait être forcé de faire un stage de trois mois comme femme ; il comprendrait et estimerait alors mieux cette partie de l’humanité d’où il est sorti ; il saurait alors apprécier la grandeur d’âme des femmes et, d’autre part, la dureté de leur sort.

Épicrise. – Le malade, très chargé, est originairement anormal au point de vue psycho-sexuel ; car pendant l’acte sexuel il a une sensation féminine caractéristique. Cette sensation anormale demeura purement une anomalie psychique jusqu’à il y a trois ans, anomalie basée sur une neurasthénie grave, et puissamment accentuée par des sensations physiques dans le sens d’une transmutatio sexualis[ws 1], sensations suggérées par obsession à sa conscience. Le malade, à sa grande frayeur, se sent alors aussi physiquement femme et, sous le coup de l’idée obsédante d’être femme, il croit éprouver une métamorphose complète de ses pensées, de ses sentiments et de ses aspirations d’autrefois, et même de sa vita sexualis dans le sens d’une éviration. Toutefois son « moi » est capable de conserver son empire sur ces processus morbides de l’âme et du corps, et de se sauver de la paranoïa. Voilà un exemple remarquable de sensations, d’idées obsédantes basées sur des tares nerveuses, un cas d’une grande valeur pour arriver à étudier comment la transformation psycho-sexuelle a pu s’accomplir.


Quatrième degré. Métamorphose sexuelle paranoïque

Le dernier degré possible dans le processus de la maladie est la monomanie de la métamorphose sexuelle. Elle se

  1. changement de sexe