Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/327

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Déjà, à l’âge de huit à neuf ans, les passages des livres qui m’intéressaient le plus étaient ceux où il était question de blessures et d’opérations chirurgicales que de belles filles ou des femmes avaient dû subir. Entre autres, un récit où il est raconté comment une jeune fille s’enfonça une épine dans le pied, et comment cette épine lui fut retirée par un garçon, me mit dans une excitation très violente ; de plus, j’avais une érection toutes les fois que je regardais la gravure représentant cette scène, qui cependant n’avait rien de lascif. Autant qu’il m’était possible, j’allais voir tuer des poulets, et, quand j’avais manqué ce spectacle, je regardais avec un frisson voluptueux les taches de sang, je caressais le corps de l’animal encore tout chaud. Je dois faire remarquer ici que, de tout temps, je fus un grand amateur de bêtes, et que l’abatage de plus grands animaux, même la vivisection des grenouilles, m’inspiraient du dégoût et de la pitié.

Aujourd’hui encore, l’égorgement des poulets a pour moi un grand charme sexuel, surtout quand on les étrangle ; j’éprouve des battements de cœur et une oppression précordiale. Fait intéressant, mon père avait la passion de ligoter les deux mains à des filles ou à des jeunes femmes.

Je crois qu’une autre de mes anomalies sexuelles doit encore être rattachée à cette fibre cruelle de mon caractère. Ainsi que je le raconterai plus loin, un de mes jeux favoris était un théâtre de poupées que j’improvisais et où j’indiquais le sujet aux exécutants. Il y avait dans la pièce une jeune fille qui, sur l’ordre sévère de son père – c’était toujours moi, – devait se soumettre à une opération douloureuse du pied exécutée par le médecin. Plus la poupée pleurait et se désolait, plus ma satisfaction était grande. Pourquoi ai-je toujours désigné le pied comme lieu de l’opération chirurgicale ? Cela s’explique par le fait suivant. Étant petit garçon, j’arrivai par hasard au moment où ma sœur aînée changeait de bas. En la voyant vite cacher ses pieds, mon attention fut éveillée, et bientôt la vue de ses pieds nus jusqu’aux chevilles devint l’idéal de mes désirs.

Bien entendu, cela fit que ma sœur redoubla de précautions ; et c’est ainsi qu’il s’engagea une lutte continuelle où j’employais toutes les armes : la ruse, la flatterie et les explosions de colère, et que je soutins jusqu’à l’âge de dix-sept ans. Pour le reste, ma sœur m’était indifférente ; les baisers qu’elle me donnait m’étaient même désagréables. Faute de mieux, je me contentais des pieds de nos bonnes ; mais les pieds masculins me laissaient