Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/427

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Une sœur de la grand’mère du côté maternel était hystérique, somnambule, et resta pendant dix-sept ans au lit pour une paralysie imaginaire. Une deuxième grand’tante a passé sept ans au lit, s’imaginant qu’elle était malade à mourir, ce qui ne l’empêchait point de donner des bals. Une troisième avait le spleen et l’idée qu’une console de son salon était maudite. Si quelqu’un mettait un objet sur cette console, la dame en avait la plus vive émotion, criait sans cesse : « c’est maudit, c’est maudit ! » Elle portait l’objet dans une pièce qu’elle appelait la « chambre noire », et dont elle gardait sur elle la clef. Après la mort de cette dame, on trouva dans la soi-disant « chambre noire » un grand nombre de châles, de bijoux, de billets de banque, etc. Une quatrième grand’tante n’a pas laissé balayer sa chambre pendant deux ans ; elle ne se débarbouillait ni ne se peignait. Elle ne se montra qu’après ces deux ans expirés. Toutes ces femmes étaient en même temps très instruites, spirituelles et aimables.

La mère de S… était nerveuse et ne pouvait supporter le clair de lune.

On prétend que la famille du côté paternel avait une vis de trop dans ses rouages. Une branche de la famille s’occupe presque exclusivement de spiritisme. Deux parents proches du côté paternel se sont brûlé la cervelle. La majorité des descendants masculins sont des gens de grand talent. Les descendants féminins sont tous des êtres bornés et terre à terre. Le père de S… occupait un poste élevé qu’il a cependant dû quitter à cause de son excentricité et de sa prodigalité (il a mangé plus d’un million et demi de florins).

Une des manies du père fut de faire élever S… tout à fait en garçon ; il la faisait monter à cheval, conduire des chevaux, chasser ; il admirait son énergie virile et l’appelait Sàndor.

Par contre, ce père maniaque a fait habiller de vêtements féminins son fils cadet, et l’a fait élever en fille. La farce cessa à l’âge de seize ans, quand ce garçon dut entrer dans un lycée, pour faire ses études.

Sarolta Sàndor, cependant, resta sous l’influence de son père jusqu’à l’âge de douze ans ; alors on l’envoya chez sa grand’mère maternelle, femme excentrique qui vivait à Dresde, mais qui la mit dans une pension de demoiselles, lorsque les goûts virils de la petite commencèrent à devenir trop exagérés.

À l’âge de treize ans, elle noua dans la pension une liaison