Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/74

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l’empoisonnement, voix qui le persécutent) et de monomanie des grandeurs (se croit le Christ, le Rédempteur de l’univers). En même temps ses actes étaient impulsifs et incohérents. Au bout de cinq mois, cette maladie mentale intercurrente disparaissait, et le malade revenait à son état d’incohérence intellectuelle primitive et de défectuosité morale.


OBSERVATION 9. – E…, trente ans, ouvrier peintre sans place, a été pris en flagrant délit : il voulait couper le scrotum d’un garçon qu’il avait attiré dans un bois. Il donna comme motif qu’il voulait détruire cette partie du corps, pour que le monde ne se peuple pas davantage. Dans son enfance, disait-il, il s’était, pour la même raison, fait des coupures aux parties génitales. Son arbre généalogique ne peut pas être établi. Dès son enfance, E… était un anormal au point de vue intellectuel ; il rêvassait, n’était jamais gai ; facile à exciter, emporté, il allait toujours méditant ; c’était un faible d’esprit. Il détestait les femmes, aimait la solitude, et lisait beaucoup. Quelquefois il riait en lui-même et faisait des bêtises. Dans ces dernières années, sa haine des femmes s’est accentuée ; il en veut surtout aux femmes enceintes par qui, dit-il, la misère s’augmente dans le monde. Il déteste aussi les enfants, maudit celui qui lui a donné la vie ; il a des idées communistes, s’emporte contre les riches et les prêtres, contre Dieu qui l’a fait naître si pauvre. Il déclare qu’il vaudrait mieux châtrer les enfants que d’en faire de nouveaux qui seront condamnés à la pauvreté et à la misère. Ce fut toujours son idée, et, à l’âge de quinze ans déjà, il avait essayé de s’émasculer pour ne pas contribuer au malheur et à l’augmentation du nombre des hommes. Il méprise le sexe féminin qui contribue à augmenter la population. Deux fois seulement, dans sa vie, il s’est fait manustuprer par des femmes ; sauf cet incident il n’a jamais eu affaire avec elles. Il a, de temps en temps, des désirs sexuels, c’est vrai, mais jamais le désir de leur donner une satisfaction naturelle.

E… est un homme vigoureux et bien musclé. La constitution de ses parties génitales n’accuse rien d’anormal. Sur le scrotum et sur le pénis on trouve de nombreuses cicatrices de coupures, traces d’anciennes tentatives d’émasculation. Il prétend que la douleur l’a empêché d’exécuter complètement son projet. À la jointure du genou droit il existe un genu valgum. On n’a pu noter aucun symptôme d’onanisme. Il est d’un caractère sombre, entêté et emporté. Les sentiments sociaux lui sont absolument étrangers.