Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/8

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Pour le moment, on pourrait admettre que les poètes sont meilleurs psychologues que les philosophes et les psychologues de métier ; mais ils sont gens de sentiment et non pas de raisonnement ; du moins, on pourrait leur reprocher de ne voir qu’un côté de leur objet. À force de ne contempler que la lumière et les chauds rayons de l’objet dont ils se nourrissent, ils ne distinguent plus les parties ombrées. Les productions de l’art poétique de tous les pays et de toutes les époques peuvent fournir une matière inépuisable à qui voudrait écrire une monographie de la psychologie de l’amour, mais le grand problème ne saurait être résolu qu’à l’aide des sciences naturelles et particulièrement de la médecine qui étudie la question psychologique à sa source anatomique et physiologique et l’envisage à tous les points de vue.

Peut-être la science exacte réussira-t-elle à trouver le terme moyen entre la conception désespérante des philosophes tels que Schopenhauer et Hartmann[1] et la conception naïve et sereine des poètes.

L’auteur n’a nullement l’intention d’apporter des matériaux pour élever l’édifice d’une psychologie de la vie sexuelle, bien que la psycho-pathologie puisse à la vérité être une source de renseignements importants pour la psychologie.

Le but de ce traité est de faire connaître les symptômes psycho-pathologiques de la vie sexuelle, de les ramener à leur origine et de déduire les lois de leur dévelop-

  1. Voici l’opinion philosophique de Hartmann sur l’amour : « L’amour, dit-il dans son volume La Philosophie de l’Inconscient (Berlin, 1869, p. 583), nous cause plus de douleurs que de plaisirs. La jouissance n’en est qu’illusoire. La raison nous ordonnerait d’éviter l’amour, si nous n’étions pas poussés par notre fatal instinct sexuel. Le meilleur parti à prendre serait donc de se faire châtrer. » La même opinion, moins la conclusion, se trouve aussi exprimée dans l’ouvrage de Schopenhauer : Le Monde comme Volonté et Imagination, t. II, p. 586.