Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/131

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Il fut bientôt admis, même par quelques « Étatistes », les moins imbus de préjugés gouvernementaux, que certes l’Anarchie représente une organisation de beaucoup supérieure à celle qui est visée par l’État populaire ; mais, disait-on, l’idéal anarchiste est tellement éloigné de nous, que nous n’avons pas à nous en préoccuper pour le moment. D’autre part, il manquait à la théorie anarchiste une formule concrète et simple à la fois, pour préciser son point de départ, pour donner un corps à ses conceptions, pour démontrer qu’elles s’appuyaient sur une tendance ayant une existence réelle dans le peuple. La fédération des corporations de métier et de groupes de consommateurs par-dessus les frontières et en dehors des États actuels, semblait encore trop vague ; et il était facile d’entrevoir en même temps qu’elle ne pouvait pas comprendre toute la diversité des manifestations humaines. Il fallait trouver une formule plus nette, plus saisissable, ayant ses éléments premiers dans la réalité des choses.

S’il ne s’était agi simplement que l’élaborer une théorie, peu importent les théories ! aurions-nous dit. Mais tant qu’une idée nouvelle n’a pas trouvé son énoncé net, précis et découlant des choses existantes, elle ne s’empare pas des esprits, ne les inspire pas au point de les lancer dans une lutte décisive. Le peuple ne se jette pas dans l’inconnu, sans s’appuyer sur une idée certaine et nettement formulée qui lui serve de tremplin, pour ainsi dire, à son point de départ.

Ce point de départ c’est la vie elle-même qui se chargea de l’indiquer.