Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/139

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1848 n’avait plus de prise sur les esprits pratiques et libertaires de notre époque. Où trouver aujourd’hui un Parisien qui consente à s’enfermer dans une caserne phalanstérienne ? D’autre part, le collectivisme, qui veut atteler dans un même char le salariat et la propriété collective, restait incompréhensible, peu attrayant, hérissé de difficultés dans son application pratique. Et le communisme libre, le communisme anarchiste, se faisait jour à peine ; à peine osait-il affronter les attaques des adorateurs du gouvernementalisme.

L’indécision régnait dans les esprits, et les socialistes eux-mêmes ne se sentaient pas l’audace de se lancer à la démolition de la propriété individuelle, n’ayant pas devant eux de but bien déterminé. Alors on se laissa berner par ce raisonnement que les endormeurs répètent depuis des siècles. — « Assurons-nous d’abord la victoire ; on verra après ce qu’on pourra faire. »




S’assurer d’abord la victoire ! Comme s’il y avait moyen de se constituer en Commune libre tant qu’on ne touche pas à la propriété ! Comme s’il y avait moyen de vaincre les ennemis, tant que la grande masse du peuple n’est pas intéressée directement au triomphe de la révolution, en voyant arriver le bien-être matériel, intellectuel et moral pour tous ! On cherchait à consolider d’abord la Commune en renvoyant à plus tard la révolution sociale, tandis que l’unique moyen de procéder était de consolider la Commune par la révolution sociale !