Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/170

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ravage ; l’hypothèque les écrase ; le manufacturier de la ville les exploite, en faisant payer le moindre outil trois, quatre fois son prix de revient. Ils s’imaginent être encore propriétaires de leurs champs, mais au fond ils n’en sont que les parrains : le travail qu’ils font, c’est pour engraisser l’usurier, pour nourrir l’employé, pour acheter des robes de soie et des attelages à la femme du fabricant, pour rendre la vie agréable à tous les oisifs de la ville.

Croyez-vous qu’ils ne le comprennent pas ! Allons ! Ils le comprennent à merveille, et dès qu’ils s’en sentiront la force, il ne manqueront pas l’occasion de secouer une bonne fois ces messieurs qui vivent à leurs frais.




Avec tout cela, nous n’avons cependant que le dixième des habitants des campagnes. — Et le reste ?

Le reste, ce sont près de 4 millions de chefs de familles (près de 18,000,000 de personnes), qui possèdent des propriétés de cinq, de trois hectares par famille, souvent un hectare ou même un dixième d’hectare, et très souvent, qui ne possèdent rien. Et sur ce nombre, 8 millions de personnes ont toutes les peines du monde à joindre les deux bouts, en cultivant deux ou trois hectares, si bien que chaque année ils doivent envoyer des dizaines de mille de leurs garçons et de leurs filles gagner péniblement leur pain à la ville ; 7 millions n’ont, pour toute propriété, que de misérables lopins — la maison et un petit jardin —, ou bien, ne possèdent rien et gagnent leur vie, évidemment très dure, comme salariés ; enfin, un mil-