Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/227

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seigneur et le manant, elle proclamait l’égalité, devant le juge, du pauvre et du riche. Cette promesse était un mensonge, nous le savons aujourd’hui : mais à cette époque elle était un progrès, un hommage rendu à la vérité. C’est pourquoi, lorsque les sauveurs de la bourgeoisie menacée, les Robespierre et les Danton, se basant sur les écrits des philosophes de la bourgeoisie, les Rousseau et les Voltaire, proclamèrent « le respect de la loi, égale pour tous » — le peuple, dont l’élan révolutionnaire s’épuisait déjà en face d’un ennemi de plus en plus solidement organisé, accepta le compromis. Il plia le cou sous le joug de la Loi, pour se sauver de l’arbitraire du seigneur.

Depuis, la bourgeoisie n’a cessé d’exploiter cette maxime qui, avec cet autre principe, le gouvernement représentatif, résume la philosophie du siècle de la bourgeoisie, le dix-neuvième siècle. Elle l’a prêchée dans les écoles, elle a créé sa science et ses arts avec cet objectif, elle l’a fourré partout, comme la dévote anglaise qui vous glisse sous la porte ses traités religieux. Et elle a si bien travaillé, qu’aujourd’hui nous voyons se produire ce fait exécrable : au jour même du réveil de l’esprit frondeur, les hommes, voulant être libres, commencent par demander à leurs maîtres, de vouloir bien les protéger en modifiant les lois créées par ces mêmes maîtres.




Mais les temps et les esprits ont cependant changé depuis un siècle. On trouve partout des révoltés qui ne veulent plus obéir à la loi, sans savoir d’où elle vient, quelle en est l’utilité, d’où vient l’obligation de