Page:Kropotkine - Communisme et anarchie.djvu/10

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qu’il est certain que dans trois, quatre ou cinq années, une partie des membres de la commune voudra se séparer, il faudrait au moins avoir une dizaine ou plus de communes fédérées, afin que ceux qui, pour une raison ou une autre, voudront quitter telle commune puissent entrer dans une autre commune et être remplacés, par des personnes venant d’autres groupes. Autrement la ruche communiste doit nécessairement périr, ou tomber (comme cela arrive presque toujours) aux mains d’un seul — généralement « le frère » plus malin que les autres.

Enfin, toutes les communes fondées jusqu’à ce jour se sont isolées de la société. Mais la lutte, une vie de lutte, est, pour l’homme actif, un besoin bien plus pressant qu’une table bien servie. Ce besoin de voir le monde, de se lancer dans son courant, de lutter ses luttes, de souffrir ses souffrances, est d’autant plus pressant pour la jeune génération. C’est pourquoi (comme le remarque Tchaïkovsky par expérience) les jeunes, dès qu’ils ont atteint dix-huit ou vingt ans, quittent nécessairement une commune qui ne fait pas partie de la société entière.

Inutile d’ajouter que le gouvernement, quel qu’il soit, a toujours été la pierre d’achoppement la plus sérieuse pour toutes les communes. Celles qui n’en ont eu que fort peu ou n’en ont pas du tout (comme la jeune Icarie) ont encore le mieux réussi. Cela se comprend. Les haines politiques sont des plus violentes. Nous pouvons vivre, dans une ville, à côté de nos adversaires politiques, si nous ne sommes pas forcés de les coudoyer à chaque instant. Mais comment vivre, si l’on est forcé, dans une petite commune, de se voir à chaque moment ? La lutte politique se transporte dans l’atelier, dans la chambre de travail, dans la chambre de repos, et la vie devient impossible.

Par contre, il a été prouvé et archi-prouvé que le travail communiste, la production communiste, réussissent à merveille. Dans aucune entreprise commerciale, la plus-value donnée à la terre par le travail n’a été aussi grande qu’elle l’a été dans chacune des