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mencer la révolution sociale. Un pacte pour la vie en commun — non pour la mort ; d’union et non pas d’extermination mutuelle. Un pacte de solidarité, pour considérer tout l’héritage du passé comme possession commune, un pacte pour partager selon les principes de l’équité tout ce qui pourra servir à traverser la crise : vivres et munitions, habitations et forces emmagasinées, outils et machines, savoir et pouvoir — un pacte de solidarité pour la consommation des produits, comme pour l’usage des moyens de production.

Forts de leurs conjurations, les bourgeois du douzième siècle, — au moment même de commencer la lutte contre le seigneur, pour pouvoir exister pendant cette lutte et la mener à bonne fin, — se mirent à organiser leurs sociétés de guildes et de métier. Ils réussirent ainsi à garantir un certain bien-être aux citadins. De même, forte du pacte de solidarité qui aura lié la société entière pour traverser les moments joyeux ou difficiles, et partager les conquêtes comme les défaites, la révolution pourra alors entreprendre en pleine sécurité l’œuvre immense de réorganisation de la production qu’elle aura devant soi. Mais ce pacte, elle devra le conclure, si elle veut vivre.

Et dans son œuvre nouvelle, qui devra être une œuvre constructive, les masses populaires devront compter surtout sur leurs propres forces, sur leur initiative et leur génie organisateur, sur leur capacité d’ouvrir des voies nouvelles, parce que toute l’éducation de la bourgeoisie s’est faite dans une voie absolument opposée.

Le problème est immense. Mais ce n’est pas en cherchant à l’amoindrir d’avance que le peuple trouvera les forces nécessaires pour le résoudre. C’est au contraire en le concevant dans toute sa grandeur, c’est en puisant son inspiration dans les difficultés mêmes de la situation, qu’il trouvera le génie nécessaire pour vaincre.

Tous les progrès réellement grands de l’humanité, toutes les actions réellement grandes des peuples, se sont faites de cette façon et c’est dans la conception de toute la grandeur de sa tâche que la révolution puisera ses forces.

Ne faut-il donc pas que le révolutionnaire ait pleine conscience de la tâche qui lui incombe ? qu’il ne ferme