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déjà à se dessiner dans les derniers jours de la Commune de Paris et dans les premiers jours des grèves de ces dernières vingt années.

V

— « Mais où prendrons-nous cette audace de pensée et cette énergie au travail d’organisation, quand le peuple ne l’a pas ? N’admettez-vous pas vous-mêmes — nous dira-t-on — que si la force d’attaque ne manque pas au peuple, l’audace de la pensée et l’âpreté à la reconstruction lui ont trop souvent fait défaut ? ».

Nous l’admettons parfaitement. Mais nous n’oublions pas non plus la part qui revient aux hommes d’initiative dans les mouvements populaires. Et c’est de cette initiative que nous allons dire maintenant un mot pour terminer notre étude.

L’initiative, la libre initiative de chacun, et la possibilité pour chacun de faire valoir cette force lors des soulèvements populaires, voilà ce qui a toujours fait la puissance irrésistible des révolutions. Les historiens en parlent peu ou point. Mais c’est sur cette force que nous comptons pour entreprendre et accomplir l’œuvre immense de la révolution sociale.

Si les révolutions du passé ont fait quelque chose, c’est exclusivement grâce aux hommes et femmes d’initiative, aux inconnus qui surgissaient dans les foules et ne craignaient pas d’accepter, vis-à-vis de leurs frères et de l’avenir, la responsabilité d’actes, considérés d’une audace insensée par les timides.

La grande masse se décide difficilement à entreprendre quelque chose qui n’ait pas eu un précédent dans le passé. On peut s’en convaincre tous les jours. Si la routine nous enveloppe de ses moisissures à chaque pas, c’est qu’il manque d’hommes d’initiative pour rompre avec les traditions du passé et se lancer hardiment dans l’inconnu. Mais si une idée germe dans les cerveaux, vague encore, confuse, incapable de se traduire dans les faits, et que des hommes d’initiative sur-