Page:Kropotkine - L’État - son rôle historique, 1906.djvu/33

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auquel on emprunte si facilement des arguments pour et contre le communisme, pour et contre l’autorité, et si indécis quand il s’agit de nettement affirmer la liberté, — cette tendance même religieuse ne renfermait-elle pas déjà en germe la défaite certaine du soulèvement ?

Né dans les villes, ce mouvement s’étendit bientôt aux campagnes. Les paysans refusaient d’obéir à qui que ce soit et, plantant un vieux soulier sur une pique en guise de drapeau, reprenaient les terres aux seigneurs, brisaient les liens du servage, chassaient prêtre et juge, se constituaient en communauté libres. Et ce ne fut que par le bûcher, la roue et le gibet, ce ne fut qu’en massacrant plus de cent mille paysans en quelques années, que le pouvoir royal ou impérial, allié à celui de l’Église papale ou réformée — Luther poussant au massacre des paysans plus violemment encore que le pape, — mit fin à ces soulèvements qui avaient menacé un moment la constitution des États naissants.

Née de l’anabaptisme populaire, la réforme luthérienne, appuyée sur l’État, massacra le peuple et écrasa le mouvement auquel elle avait emprunté sa force à son origine. Les débris de cette vague immense se réfugièrent dans les communautés des « Frères Moraves », qui, à leur tour, furent détruites cent ans plus tard par l’Église et l’État. Ceux d’entre eux qui ne furent pas exterminés allèrent chercher asile, les uns au sud-est de la Russie, les autres au Groenland, où ils purent continuer jusqu’à nos jours à vivre en communauté, refusant tout service à l’État.

Désormais, l’État était assuré de son existence. Le légiste, le prêtre et le seigneur-soldat, constitués en alliance solidaire autour des trônes, pouvaient poursuivre leur œuvre d’annihilation.

Que de mensonges, accumulés par les historiens étatistes, aux gages de l’État, sur cette période !

En effet, n’avons-nous pas tous appris, par exemple, que l’État avait rendu le grand service de constituer, sur les ruines de la société féodale, les unions nationales, rendues impossibles autrefois par les rivalités des cités ? Tous nous l’avons appris à l’école, et presque tous nous l’avons cru dans l’âge mûr.

Et cependant, nous apprenons aujourd’hui, que malgré toutes les rivalités, les cités médiévales avaient déjà travaillé pendant quatre siècle à constituer ces unions, par la fédération voulue, librement consentie, et qu’elles y avaient réussi.

L’union Lombarde, par exemple, englobait les cités de la haute Ita-