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Page:Kropotkine - L’État - son rôle historique, 1906.djvu/49

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gouverner le renouveau d’une société à coups de décrets et de majorités électorales…

Quel enfantillage !

À travers toute l’histoire de notre civilisation, deux traditions, deux tendances opposées, se sont trouvées en présence : la tradition romaine et la tradition populaire ; la tradition impériale et la tradition fédéraliste ; la tradition autoritaire et la tradition libertaire.

Et de nouveau, à la veille de la révolution sociale, ces deux traditions se trouvent face à face.

Entre ces deux courants, toujours vivants, toujours en lutte dans l’humanité, — le courant par le peuple et le courant des minorités assoiffées de domination politique et religieuse — notre choix est fait.

Nous reprenons celui qui poussa les hommes, au XIIe siècle, à s’organiser sur les bases de la libre entente, de la libre initiative de l’individu, de la libre fédération des intéressés. Et nous laissons les autres se cramponner à la tradition impériale, romaine et canonique.

L’histoire n’a pas été une tradition ininterrompue. À plusieurs reprises, l’évolution s’est arrêtée dans telle région pour recommencer ailleurs. L’Égypte, l’Asie antérieure, les bords de la Méditerranée, l’Europe centrale ont été tour à tour le théâtre du développement historique. Mais chaque fois cette évolution a commencé, d’abord par la phase de la tribu primitive, pour passer ensuite par la commune de village, puis par la cité libre, et mourir ensuite dans la phase État.

En Égypte, la civilisation débute par la tribu primitive. Elle arrive à la commune de village, plus tard à la période des cités libres ; plus tard encore, à l’État, lequel, après une période florissante, amène — la mort.

L’évolution recommence en Assyrie, en Perse, en Palestine. Elle y traverse de nouveau les mêmes phases : la tribu, la commune de village, la cité libre, l’État tout-puissant — la mort !

Une nouvelle civilisation débute alors en Grèce. Toujours par la tribu. Lentement elle arrive à la commune de village, puis aux cités républicaines. Dans ces cités, la civilisation atteint ses plus hauts sommets. Mais l’Orient lui apporte son haleine empestée, ses traditions de despotisme. Les guerres et les conquêtes créent l’empire d’Alexandre de Macédoine. L’État s’intronise, la pieuvre grandit, elle tue toute civilisation, et alors survient — la mort !

Rome recommence la civilisation à son tour. C’est encore la tribu primitive que nous retrouvons à ses origines ; puis la commune de vil-