Page:Kropotkine - L’Anarchie, sa philosophie, son idéal.djvu/18

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multiples de tous. Une société enfin, à laquelle les formes préétablies, cristallisées par la loi répugnent ; mais qui cherche l’harmonie dans l’équilibre, toujours changeant et fugitif, entre les multitudes de forces variées et d’influences de toute nature, lesquelles suivent leur cours et, précisément grâce à la liberté de se produire au grand jour et de se contrebalancer, peuvent provoquer les énergies qui leur sont favorables, quand elles marchent vers le progrès.

Cette conception et cet idéal de la société ne sont certainement pas nouveaux. Au contraire, quand nous analysons l’histoire des institutions populaires — le clan, la commune, le village, l’union de métier, la « guilde », et même la commune urbaine du moyen-âge à ses premiers débuts, nous retrouvons la même tendance populaire à constituer la société dans cette idée — tendance qui fut toujours entravée d’ailleurs par les minorités dominatrices. Tous les mouvements populaires portaient plus ou moins ce cachet, et chez les anabaptistes et leurs précurseurs nous trouvons les mêmes idées nettement exprimées, malgré le langage religieux dont on se servait alors. Malheureusement, jusqu’à la fin du siècle passé, cet idéal fut toujours entaché d’un esprit théocratique, et ce n’est que de nos jours qu’il se présente débarrassé des langes religieux, comme une notion de la société déduite de l’observation des phénomènes sociaux.

C’est seulement aujourd’hui que l’idéal de société où chacun ne se gouverne que par sa propre volonté (laquelle est évidemment un résultat des influences sociales que chacun subit), s’affirme sous son côté économique, politique et moral à la fois, et qu’il se présente appuyé sur la nécessité du communisme, imposé