Page:Kropotkine - L’Anarchie, sa philosophie, son idéal.djvu/27

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votre attention. Il se produit — de nombreux indices nous le font croire — chez les socialistes mêmes une transformation profonde dans les idées, semblable à celle que j’ai esquissée au début de cette conférence, en parlant des sciences en général. Et l’incertitude des socialistes concernant l’organisation de la société qu’ils désirent, paralyse jusqu’à un certain point leur énergie. À ses débuts, dans les années quarante, le socialisme s’était présenté comme communisme, comme république unie et indivisible, comme dictature et jacobinisme gouvernemental, appliqués dans le domaine économique. Tel était l’idéal de l’époque. Religieux ou libre-penseur, le socialiste d’alors était prêt à se soumettre à n’importe quel gouvernement fort, voire même à l’empire, pourvu que ce gouvernement refît les rapports économiques à l’avantage du travailleur.

Une profonde révolution s’est accomplie depuis, surtout chez les peuples latins et en Angleterre. Le communisme gouvernemental, comme le communisme théocratique, répugne aux travailleurs. Et cette répugnance fit surgir dans l’Internationale, une nouvelle conception, ou doctrine, le collectivisme. Cette doctrine, à ses débuts signifiait : possession collective des instruments de travail (sans y comprendre le nécessaire pour vivre) et le droit de chaque groupement d’accepter, pour ses membres, tel mode de rétribution qu’il lui plairait, communiste ou individuel. Cependant peu à peu, ce système se transforme en une espèce de compromis entre le communisme et la rétribution individuelle du salariat. Aujourd’hui, le collectiviste veut que tout ce qui sert à la production devienne propriété commune, mais que chacun soit néanmoins rétribué individuelle-