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INTRODUCTION



Deux aspects de la vie animale m’ont surtout frappé durant les voyages que je fis, étant jeune, dans la Sibérie orientale et la Mandchourie septentrionale. D’une part je voyais l’extrême rigueur de la lutte pour l’existence que la plupart des espèces d’animaux ont à soutenir dans ces régions contre une nature inclémente ; l’anéantissement périodique d’un nombre énorme d’existences, dû à des causes naturelles ; et conséquemment une pauvreté de la vie sur tout le vaste territoire que j’eus l’occasion d’observer. D’autre part, même dans les quelques endroits où la vie animale abondait, je ne pus trouver — malgré mon désir de la reconnaître — cette lutte acharnée pour les moyens d’existence, entre animaux de la même espèce, que la plupart des darwinistes (quoique pas toujours Darwin lui-même) considéraient comme la principale caractéristique de la lutte pour la vie et le principal facteur de l’évolution.

Les terribles tourmentes de neige qui s’abattent sur le Nord de l’Eurasie à la fin de l’hiver et les verglas qui les suivent souvent ; les gelées et les tourmentes de neige qui reviennent chaque année dans la seconde moitié de mai, lorsque les arbres sont déjà tout en fleurs et que la vie pullule chez les insectes ; les gelées précoces et parfois les grosses chutes de neige en juillet et en août, détruisant par myriades les insectes, ainsi que les secondes couvées d’oiseaux dans les prairies ; les pluies torrentielles, dues aux moussons qui tombent dans les régions